mardi 4 novembre 2014

Infirmières sexy vs George et Robert

Les discussions de copains et de comptoir me l’ont appris : la compétition est néfaste pour le couple. Se sentir moins brillant ou moins doué que l’autre fait naître un sentiment de dévalorisation qui finit par gangréner l’union. Les psys des magazines féminins et ma mère sont formels : on peut être complémentaires, mais à la condition de se porter mutuellement une forme d’admiration. Merci Cosmo, merci Elle, je veux bien, mais quand on sort avec un médecin, il faut tout de même s’accrocher un peu pour équilibrer l’admiration.  

On ne va pas se mentir, le travail est un élément qui participe de la fougue amoureuse. Il n’est pas le seul, ok, mais il compte pas mal. Le travail, c’est l’autre se réalisant, s’épanouissant en dehors de la sphère du couple, c’est franchement séduisant. Alors forcément, lorsqu’on vit avec un homme dont le job consiste à réparer des corps tandis que, pendant ce temps, on a élevé la procrastination au niveau de super pouvoir, on est autorisé à s’interroger sur son sort.

George Sand a un jour écrit « Il n’y a pas d’amour sans jalousie. » Elle est mignonne Georgette mais si j’étais jalouse, moi, je serais en perdition parce que dans un match m’opposant à l’hôpital, me font face en même temps sur le ring des co-internes jeunes et brillantes et des infirmières qui portent sous leur blouse un imaginaire classé X. Bonjour le déséquilibre.


L’injustice, c’est qu’étant à mon compte, je ne peux de surcroît pas faire concourir le moindre collaborateur un peu craquant. Pour susciter de la rivalité dans l’esprit de mon médecin, je repasserai : mon bureau, c’est notre appart, mon self, c’est notre cuisine et j’ai pour seuls collègues deux coussins brodés représentant un chien et une vache habillés à la sauce Sherlock Holmes et nommés respectivement George et Robert. Si leur style emprunté aux costumes de Downton Abbey fait d’eux des compagnons attachants, c’est vrai que pour générer du fantasme, ils ont leurs limites.

Il y a un an et demi, j’étais encore consultante et même si le bureau n’était composé quasi que de femmes, il y avait toujours la possibilité de sublimer des prestataires ou des clients. Je pouvais aussi raconter cette réunion où j’étais en charge de la présentation d’un projet et laisser mon médecin imaginer sa nana en l’équivalent féminin d’un Leonardo Di Caprio version talons hauts, jupe crayon sexy mama chocolat et surtout version française : La louve de la Défense.
  
Depuis que je travaille de chez nous et malgré quelques réunions, plusieurs clients et des projets sympas, force est de constater que mes contacts extérieurs les plus quotidiens se limitent souvent à ma rencontre avec le buraliste (« Le Parisien et un paquet de Gauloises, svp. ») et le serveur du café d’en bas (« Un coca light et un cendrier, svp. »). Alors au moment de raconter notre journée respective, il me faut déployer des trésors d’imagination pour trouver du sublime dans des journées dont la platitude concurrencerait le cerveau de n’importe quel Ch’ti à Ibiza.

Ouhla je n’ai pas arrêté ! J’ai écrit 2 articles pour bidule, réalisé l’interview de truc et je bosse sur un discours. J’ai aussi envoyé pas mal de mails, je pense que je vais décrocher le contrat avec l’agence machin.

La vérité, c’est que les articles sont écrits depuis deux jours, que l’interview ne m’a pas encore été confirmée et que je vais bosser gratuitement sur le discours. Concernant les mails, c’est vrai que j’en ai envoyé 32 : 5 à des clients, 7 à des clients potentiels, mais surtout 20 à mes copines. Ce que je regrette alors, c’est de ne pas pouvoir m’étendre sur le sujet car ce serait l’occasion de défendre mes compétences acérées en recherches de lol cats et de vidéos YouTube inédites ou ma propension à débusquer les meilleurs GIF de 9gag.com.

J’ai pas mal de boulot cette semaine, faut que je m’organise. Ma to-do list est chargée, chargée, c’est un peu la pression.  

Et quelle pression… Je suis freelance, ce qui en langage professionnel signifie que la plupart du temps, je ne sais pas sur quoi je vais travailler la semaine prochaine.

Quand arrive son tour à lui, les réponses varient d’un jour à l’autre mais sont toujours un peu violentes : 

Lundi : J’ai prélevé un rein à une fille de 27 ans, puis l’ai greffé sur sa jumelle.
Mercredi : J’ai enlevé une tumeur cancéreuse à un monsieur de 54 ans.
Vendredi : J’ai reconstitué une vessie à partir d'un bout d’intestin.

En somme, mon mec a joué à un mélange entre la version humaine de Makomoulage et celle du Docteur Maboul, le tout avec une pression vitale. Au sens propre du terme.

Je repense alors aux lol cats (ce chat dans le verre à pied était vraiment mortel) et si je remercie ou le Ciel ou mon destin que le type capable de fabriquer un organe à partir d’un autre ait de la considération pour ma personne et mon travail, je puise surtout en moi tout ce que j’ai de légèreté, de naïveté et d’illusion pour me convaincre que ma journée n’a pas été vaine au regard de l’histoire humaine. 

1 commentaire:

  1. Encore une fois, que de rire et de vérité dans tes articles. bravo et merci, c'est un délice de te lire.

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