Vous
pensez que parler du corps humain à un médecin présente un danger, celui de
passer pour un ignare, et vous n’avez pas complètement tort. Ce que vous ne savez en revanche peut-être pas, c’est que
vivre avec un médecin interdit en réalité de parler de médecine tout court. Des règles, sans doute établies par
un cabinet de l’ombre, une sorte de brigade des relous, encadrent en effet toute conversation relevant du champ lexical de la médecine. Grosso modo, vous
avez le droit de dire :
1. Les médecins sont des génies.
2. Je suis tellement admirative de votre travail.
3. Les médecins sont au corps humain ce
que le protocole de Kyoto est à l’environnement, des sauveurs (moi aussi, je
trouve cet argument bancal).
Au-delà, vous outrepassez vos compétences. Ainsi, la ligne éditoriale de vos conversations finit par se résumer à la phrase suivante : « Tu n’as pas fait médecine, donc tu ne sais pas. » Elle a le mérite d'être claire.
Quand nous nous sommes rencontrés, cette règle ne s'appliquait pas vraiment, sans doute parce que c'était le début de notre histoire, une époque où je n'avais aucun défaut, où j’avais le droit de tout dire sans me faire bâcher. Nostalgie. Depuis,
j’ai intégré la règle mais peu importe. Vous voyez ce moment où vous vous
apprêtez à parler de quelque chose et savez pertinemment que l'autre va tourner ce
quelque chose en ridicule et pourtant, vous y allez ? Bah à chaque fois, c’est
exactement ça. Je sais qu'il va me réclamer des preuves
scientifiques-de-la-vraie-science-des-gens-qui-savent, mais ce sont les yeux
fermés que je fonce malgré tout.
Un
jour d’une spontanéité sauvage, j’ai donc défendu un "régime détox" qui
me tient à cœur et que je suis tous les ans au mois de septembre : la cure
de raisin. Le principe : ne manger que du raisin pendant quelques jours et
non, le vin n’est pas inclus. Cette cure existe depuis des centaines d’années
(je l’ai lu sur un site, donc c’est vrai), et je le sens,
elle me fait un bien fou.
Mama mia, que
n’avais-je pas dit ?! Comme d’habitude, mon mec a sorti 3 bouquins de
cours sur la nutrition, le truc qui donne immédiatement envie de changer de
conversation comme quand t’étais petit et que tu demandais à ta mère
« C’est quoi ce mot ? » et qu’elle allait chercher le dictionnaire alors que toi, tu pensais : « Nan mais tu
peux pas juste me l’expliquer qu’on passe à autre chose ? ». Bref, verdict du médecin :
« Dis moi quand tu ne te sens pas bien, je peux te faire une saignée, c’était aussi une pratique très en vogue au XVIe siècle ».
Je
ne peux pas dire que devant la flopée d’arguments qui ont suivi, je n’ai pas remis en cause
ma chère cure. On ne va pas se mentir, ma thèse sur ses bienfaits s’est
rapidement trouvée limitée. À un moment, j’ai même failli citer Obispo
(« c’est pas marqué dans les liiiiiiivres » mais ça veut pas dire que
c’est pas vrai), ce qui en termes d'objection montre bien la faiblesse du
débateur. J’ai juste pu soutenir mordicus que mon expérience empirique personnelle
révélait des données tout à fait satisfaisantes et achever la conversation par une pirouette : « Tant que toi et tes collègues n'aurez pas réussi à nous rendre immortels, c’est que vous non-plus n'aurez pas tout
compris au corps humain. » Bim. Comme il n’est pas une odieuse personne, il a fini par m’accorder que tout ce qui peut faire du bien au patient, même un effet
placebo, lui convient parfaitement. Une faille, enfin, qui offre leur place à toutes les médecines douces, alternatives, de gourou, appelez-les comme vous le voulez.
Je
m’apprête par exemple à arrêter de fumer. Or ma volonté est comme la maîtrise de la langue
française chez les participants des émissions de télé-réalité, très moyennement
acquise. Mais je suis en mode Simone Veil devant l’Assemblée nationale, je suis en 1974,
je vais être digne, je vais me battre, et je vais y arriver. Bon, pour m'en assurer, j’ai tout de même pris rendez-vous chez une acupunctrice,
suis à la recherche d’un hypnotiseur et d’un coach sportif pas cher, autant
dire d’un miracle, pour éviter de prendre du poids. Et puis si ça arrive, il me restera la
cure de raisin en septembre, hein chéri ?
Hahaha excellent.....! ,- on en redemande ; !!!!
RépondreSupprimerBises.
Top ton blog ! Je me sens moins seule ! Et heureuse de voir que j'ai les mêmes problématiques avec mon mec (interne aussi...)
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