mardi 16 décembre 2014

La médecine, ce sujet que vous n'avez pas le droit d'aborder

Vous pensez que parler du corps humain à un médecin présente un danger, celui de passer pour un ignare, et vous n’avez pas complètement tort. Ce que vous ne savez en revanche peut-être pas, c’est que vivre avec un médecin interdit en réalité de parler de médecine tout court. Des règles, sans doute établies par un cabinet de l’ombre, une sorte de brigade des relous, encadrent en effet toute conversation relevant du champ lexical de la médecine. Grosso modo, vous avez le droit de dire :

1. Les médecins sont des génies.
2. Je suis tellement admirative de votre travail.
3. Les médecins sont au corps humain ce que le protocole de Kyoto est à l’environnement, des sauveurs (moi aussi, je trouve cet argument bancal).

Au-delà, vous outrepassez vos compétences. Ainsi, la ligne éditoriale de vos conversations finit par se résumer à la phrase suivante : « Tu n’as pas fait médecine, donc tu ne sais pas. » Elle a le mérite d'être claire. 



Quand nous nous sommes rencontrés, cette règle ne s'appliquait pas vraiment, sans doute parce que c'était le début de notre histoire, une époque où je n'avais aucun défaut, où j’avais le droit de tout dire sans me faire bâcher. Nostalgie. Depuis, j’ai intégré la règle mais peu importe. Vous voyez ce moment où vous vous apprêtez à parler de quelque chose et savez pertinemment que l'autre va tourner ce quelque chose en ridicule et pourtant, vous y allez ? Bah à chaque fois, c’est exactement ça. Je sais qu'il va me réclamer des preuves scientifiques-de-la-vraie-science-des-gens-qui-savent, mais ce sont les yeux fermés que je fonce malgré tout.

Un jour d’une spontanéité sauvage, j’ai donc défendu un "régime détox" qui me tient à cœur et que je suis tous les ans au mois de septembre : la cure de raisin. Le principe : ne manger que du raisin pendant quelques jours et non, le vin n’est pas inclus. Cette cure existe depuis des centaines d’années (je l’ai lu sur un site, donc c’est vrai), et je le sens, elle me fait un bien fou. 

Mama mia, que n’avais-je pas dit ?! Comme d’habitude, mon mec a sorti 3 bouquins de cours sur la nutrition, le truc qui donne immédiatement envie de changer de conversation comme quand t’étais petit et que tu demandais à ta mère « C’est quoi ce mot ? » et qu’elle allait chercher le dictionnaire alors que toi, tu pensais : « Nan mais tu peux pas juste me l’expliquer qu’on passe à autre chose ? ». Bref, verdict du médecin : « Dis moi quand tu ne te sens pas bien, je peux te faire une saignée, c’était  aussi une pratique très en vogue au XVIe siècle ».

Je ne peux pas dire que devant la flopée d’arguments qui ont suivi, je n’ai pas remis en cause ma chère cure. On ne va pas se mentir, ma thèse sur ses bienfaits s’est rapidement trouvée limitée. À un moment, j’ai même failli citer Obispo (« c’est pas marqué dans les liiiiiiivres » mais ça veut pas dire que c’est pas vrai), ce qui en termes d'objection montre bien la faiblesse du débateur. J’ai juste pu soutenir mordicus que mon expérience empirique personnelle révélait des données tout à fait satisfaisantes et achever la conversation par une pirouette : « Tant que toi et tes collègues n'aurez pas réussi à nous rendre immortels, c’est que vous non-plus n'aurez pas tout compris au corps humain. » Bim. Comme il n’est pas une odieuse personne, il a fini par m’accorder que tout ce qui peut faire du bien au patient, même un effet placebo, lui convient parfaitement. Une faille, enfin, qui offre leur place à toutes les médecines douces, alternatives, de gourou, appelez-les comme vous le voulez. 

Je m’apprête par exemple à arrêter de fumer. Or ma volonté est comme la maîtrise de la langue française chez les participants des émissions de télé-réalité, très moyennement acquise. Mais je suis en mode Simone Veil devant l’Assemblée nationale, je suis en 1974, je vais être digne, je vais me battre, et je vais y arriver. Bon, pour m'en assurer, j’ai tout de même pris rendez-vous chez une acupunctrice, suis à la recherche d’un hypnotiseur et d’un coach sportif pas cher, autant dire d’un miracle, pour éviter de prendre du poids. Et puis si ça arrive, il me restera la cure de raisin en septembre, hein chéri ? 




2 commentaires:

  1. Hahaha excellent.....! ,- on en redemande ; !!!!
    Bises.

    RépondreSupprimer
  2. Top ton blog ! Je me sens moins seule ! Et heureuse de voir que j'ai les mêmes problématiques avec mon mec (interne aussi...)

    RépondreSupprimer