Alors oui, je suis d’accord, ça fait
mille ans que j’aurais dû écrire cet article mais bon, il y a eu les fêtes, qui nous
occupent avant (faire les cadeaux), pendant (ouvrir les cadeaux, manger, boire,
manger), après (digérer). Ensuite, comme promis (cf cet article), j’ai arrêté de
fumer (auto high five) et là, force est de constater que si en public j’ai fait
très bonne figure, j’étais en privé assez hostile. Aucun bon article n’aurait
pu sortir de ça. Puis, il y a eu "Je suis Charlie" et ça nous a tous occupé
l’esprit.
Alors évidemment, j’aurais pu écrire sur
les deux belles polémiques qui ont récemment touché les internes : la
fameuse histoire de la fresque et celle des touchers vaginaux et
rectaux sur des patients endormis. J’avais d'ailleurs commencé à écrire
dessus et puis j’ai réalisé que je ne tenais pas un blog politique. Ensuite, ça
m’a rappelé que mon mec pratique plusieurs touchers rectaux par jour (sur des
patients hyper réveillés) et ça m’a un peu dégoûtée. On n’a décidément pas les
mêmes journées.
BREF.
Tout ça pour dire que je n’ai pas passé
ces semaines à ne rien faire et qu’au milieu de toutes les considérations
politico-anthropo-médico-sociétales, je me suis dit qu’il fallait revenir aux
bases, aux textes, à la philosophie en somme.
DONC.
Je me suis intéressée au serment
d’Hippocrate, au texte original, celui qui invoque Apollon, Asclépios, Hygie et
Panacée. Je vous le recommande, très sympa cet Hippocrate, très solennel, belle
plume. Comme malheureusement le système d’éducation nationale fout le camp et que tout le monde ne lit pas couramment le grec ancien, nous nous appuierons sur la traduction française du texte.
Alors déjà, y’a des petits trucs pas mal.
Vous connaissez la fameuse blague « Quelle
est la différence entre un chirurgien et Dieu ? Dieu ne se prend pas pour
un chirurgien. ». Eh bien figurez-vous que le serment finit par
« Si j’exécute ce serment et ne
l’enfreins pas, qu’il me soit donné de jouir de ma vie et de mon art, honoré de
tous les hommes pour l’éternité. ».
Je dis AH. AH. « Honoré de tous les hommes pour l’éternité » ? Une pipe et un mars aussi ? T’as beau être chirurgien,
si tes mains sont si incroyables que ça, alors elles seront aussi parfaites
pour faire la vaisselle.
À part ça, je ne sais pas qui était la
meuf (ou le mec, on s’en fout) d’Hippocrate mais à sa place, j’aurais mis mon
grain de sel dans son texte parce qu’on ne va pas se mentir : ce serment
est incomplet. J’ai eu beau en lire des versions plus contemporaines, celle de
l’université de Lyon, puis celle de l’Ordre des Médecins, c’est criant :
il manque une dédicace, un gros « big up » aux gens qui vivent avec les
internes.
Dans la version de l’Ordre, il est
écrit : « J’apporterai mon aide
à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité ». Les
confrères sont rassurés, génial. Et les conjoints ? Parce que les appels
qui me réveillent moi aussi les nuits d’astreinte et qui me valent des cernes mode
Grand Canyon en réunion le lendemain, j’appelle ça de l’adversité. Idem pour les histoires horribles de
patients qui me font perdre à chaque fois un peu d’illusions et me
rendraient presque hypocondriaque. Idem enfin
pour tous les articles et tous les dossiers de bourses à lire-corriger-relire-poster
alors qu’on n’y comprend rien. Et je ne parle même pas de la thèse, que je
redoute évidemment déjà.
Ce serait clairement sympathique
d’ajouter une phrase pour nous rendre hommage. Parce qu’autant je l’aime
énormément autant la vie de couple est déjà exigeante en compromis alors la vie
de famille, je n’ose pas y penser. Je m’imagine parfois avec le mouflet dans les
bras, toute seule à la maison, un
biberon dans une main, mon ordi sur les genoux, une serviette sur la tête
enroulant des cheveux encore mouillés (mais enfin lavés), le tout avec une
dalle monstrueuse, rien dans le frigo et un mec qui bosse 14 heures par jour au
moins. Et je le vois, ce médecin qui, pour s’excuser de n’être pas là,
m’enverra un pauvre smiley désolé dans un SMS. Ahlala, bien hâte de vivre tant de bonheur !
Du coup, voilà, modifiez ce foutu serment en ajoutant ce qui
convient. Un truc simple bien entendu, il n’est pas nécessaire non plus d’en
faire des tonnes. On n’est pas comme ça. Je propose quelque chose qui
pourrait dire, et c’est un simple exemple bien entendu, l'essentiel c'est d'être dans la distance surtout :
« Je
compenserai mes impératifs professionnels par des petits-déjeuners au lit, je
te laisserai décider de la prochaine destination de vacances, j’aurai une
patience à toute épreuve même si tu laisses traîner un vêtement dans
l’appartement et oui, finalement, ton pull est tout à fait à sa place sur la chaise
de l’entrée, je t’achèterai un sac plutôt que de dire que le tien est moche, et
plus jamais, non plus jamais, je n’oserai rentrer à la maison et dire « On
mange quoi ce soir ? ». »
Perso, voilà qui me paraît sobre,
équilibré pour un texte enfin parfait. Vous avez une manif prochainement il me
semble, vous ne voulez pas ajouter ce point au programme ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire